Tous nos élèves n'apprennent pas au même rythme. Chacun a son niveau, ses besoins, et on doit jongler avec ça au quotidien… sans perdre notre latin !
Face à des classes de plus en plus variées, l'enseignement explicite nous donne des repères clairs et efficaces pour faire avancer tout le monde. L'idée ? Éviter de se transformer en « garçon de café pédagogique » (1) , à essayer de répondre à mille demandes en même temps !
Cet article n’a pas pour but de présenter en détails les gestes de l’enseignement explicite, mais de montrer comment cette pratique pédagogique peut nous aider à mieux appréhender l’hétérogénéité de nos classes.
Qu’est-ce que l’enseignement explicite ?
"L’enseignement explicite est une approche pédagogique composée d’un ensemble de gestes professionnels concrets posés par l’enseignant pour favoriser l’apprentissage des élèves et les faire apprendre en les accompagnant petit à petit dans la réussite d’une tâche. Il cherche à éviter l’implicite et le flou. Il rend clair, net et précis ce que l’enseignant veut enseigner aux élèves, tant au niveau des apprentissages que des comportements.
L’enseignement explicite évite de surcharger la mémoire à court terme, en décomposant le savoir à apprendre en unités hiérarchisées dans des séquences qui vont du plus simple au plus complexe, en fournissant à l’élève l’étayage approprié et une rétroaction immédiate."
D'après Gauthier Cl., Bissonnette S. et Richard M., “Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages”.
Il est 9h15, mon bureau est déjà en vrac et mon café, oublié, a refroidi. J’avais une leçon toute prête, mais force est de constater que ça n’ira pas. Impossible de continuer : la moitié de la classe ne se souvient plus de ce qu’elle a appris l’an dernier et j’ai besoin de cette matière pour entamer le nouvel apprentissage.
Quatre élèves commencent déjà à s’ennuyer, trois traînent leur lassitude. Il y a aussi parmi eux plusieurs élèves à besoins spécifiques. Je soupire et me sens impuissante… Comment je fais, là ?
L’enseignement explicite repose sur trois grandes étapes : le modelage, la pratique guidée et la pratique autonome. Inspirée des travaux de Barak Rosenshine (2), cette approche permet d’avancer pas à pas, en s’assurant que chaque élève comprend bien et progresse à son rythme. Bref, une méthode claire et structurée pour embarquer tout le monde dans l’apprentissage !
C’est le moment où l’enseignant dépose ses lunettes d’expert pour penser à voix haute et mettre « un haut-parleur sur sa pensée » (3) afin de montrer aux élèves comment raisonner. Il n’explique pas tout d’un coup : il va du plus simple au plus complexe, pour éviter la surcharge cognitive et ne pas noyer trop vite les élèves.
Il explique la notion en la décortiquant, verbalise chaque étape et donne des exemples clairs. Tout ce qui est habituellement implicite devient visible, ce qui aide les élèves à comprendre ce qu’on attend d’eux. L’objectif ? Supprimer les zones floues qui peuvent bloquer certains élèves.
C’est la plus importante. Ici, les élèves s’entraînent ensemble sur une tâche similaire de celle vue pendant le modelage (4). L’enseignant reste très présent : il pose des questions, donne des indices et corrige les erreurs en direct.
L’idée est d’accompagner les élèves dans leurs premiers pas, pour qu’ils prennent confiance et avancent sereinement vers l’objectif. Ils ne sont pas encore livrés à eux-mêmes, et les erreurs sont corrigées tout de suite, avant qu’elles ne deviennent des mauvaises habitudes.
Une fois que les élèves sont à l’aise avec la notion, ils passent en solo. C’est le moment d’appliquer ce qu’ils ont appris lors du modelage et de la pratique guidée, sans l’aide directe de l’enseignant. L’objectif ? Vérifier qu’ils peuvent se débrouiller seuls et consolider leurs apprentissages.
Dans une leçon sur l’accord du participe passé :
Avec un cadre clair, les élèves savent où ils vont et comment progresser, ce qui est d’autant plus précieux dans une classe hétérogène. Ceux qui ont besoin de plus de temps sont accompagnés avant de se lancer, tandis que les plus rapides peuvent avancer sans être freinés. Cette approche permet de garder un bon équilibre pour que tout le monde progresse à son rythme, sans frustration.
Tu te souviens peut-être d’une vieille publicité d’une chaîne de télévision française : à la cantine, un homme raconte à sa collègue qu’il a vu un super film la veille, La marche de l’empereur.
Sauf que dans sa tête, elle imagine… Napoléon en train de courir sur la banquise ! Eh bien, dans la tête de nos élèves, c’est parfois la même chose qui se produit.
Les implicites peuvent devenir de vrais obstacles, et tous les élèves ne sont pas capables de les décrypter seuls. C’est là que des consignes claires et des démarches visibles font toute la différence : elles assurent à chacun un accès plus juste au savoir, quel que soit son niveau ou son bagage culturel.
Un cadre structuré et des consignes explicites aident aussi ceux qui ont du mal à s’organiser ou à rester concentrés. En réduisant la charge cognitive, l’enseignement explicite leur permet de se focaliser sur l’essentiel : la tâche à accomplir. Plus c’est clair, mieux c’est compris… et plus les élèves s’engagent !
Au lieu de simplement dire "faites cet exercice", préciser : "Lisez la consigne, soulignez les verbes, puis commencez par la première phrase. Quand vous avez terminé, levez la main."
Cette clarté permet aux élèves les plus en difficulté de mieux comprendre ce qu’on attend d’eux et de réussir plus facilement.
En découpant la tâche en étapes claires et en expliquant le processus à voix haute, on évite les flous et on sécurise l’apprentissage. C’est particulièrement utile pour les élèves qui ont du mal à se concentrer ou à mémoriser plusieurs informations à la fois : ils savent exactement quoi faire à chaque étape. En plus, reformuler et répéter les consignes permet de s’assurer que tout le monde a bien compris, ce qui limite les erreurs dues à une mauvaise interprétation.
L’obligation de pratiquer la différenciation pédagogique est inscrite dans le Décret Missions de 1997. Si je suis bien évidemment convaincue par le bien-fondé de cette obligation, je trouve ça tellement compliqué à mettre en place sans s’épuiser…
Je suis d’accord avec R. Kershner et S. Milles, selon lesquelles :
“La différenciation pédagogique, c’est un terme qui est comme une barre de savon, vous essayez de l’attraper et soudainement il vous glisse des mains.”
(Thinking and talking about differentiation, Routlege, 1996)
… Plus facile à dire qu’à faire !
L’enseignement explicite permet de bien différencier l’accompagnement, surtout pendant la pratique guidée. C’est un moment clé où l’enseignant est vraiment là pour soutenir les élèves avant qu’ils ne travaillent seuls. Durant cette phase, il est important d’adapter l’aide en fonction des besoins de chaque élève, ce qui permet de gérer l’hétérogénéité de la classe de manière efficace.
Ce processus repose sur l’étayage, c’est-à-dire offrir un soutien sur mesure selon ce dont l’élève a besoin, en donnant des indices ou en reformulant. Et dès que l’élève montre qu’il maîtrise, l’aide diminue petit à petit (c’est le désétayage). Cela permet aux élèves de devenir plus autonomes sans les laisser face à une difficulté trop grande à surmonter seuls.
Pendant un exercice de mathématiques (pratique guidée), l’enseignant circule dans la classe et donne un soutien personnalisé :
Il ou elle peut aussi :
Ainsi, chacun bénéficie d’une aide adaptée, sans que personne ne soit laissé de côté.
C’est terminé, j’arrête de penser que tous mes élèves se souviennent de ce qu’on leur a appris précédemment… En même temps, quand on y réfléchit, cet oubli est naturel. À nous de faire avec lui et de travailler la consolidation des savoirs !
En enseignement explicite, c'est très important, car cela permet de relier ce que les élèves savent déjà à ce qu’ils vont apprendre. En tenant compte du niveau de chaque élève (par l’intermédiaire d’une tâche diagnostique, comme un questionnaire numérique grâce auquel on pourra afficher les résultats des élèves avec précision, tout en masquant les prénoms), on peut ajuster son approche pour consolider les bases avant d’aller plus loin.
Ceux qui maîtrisent déjà certains concepts peuvent avancer plus vite, tandis que ceux avec des lacunes peuvent les combler, évitant ainsi les frustrations et la démotivation. Avec cette approche structurée, l’enseignement explicite aide tous les élèves à démarrer sur de bonnes bases, facilitant ainsi une progression plus fluide, même avec des niveaux différents.
Dans un cours de latin (1re année), l’objectif de la leçon est d’identifier la déclinaison d’un nom. Avant de se lancer dans la déclinaison, l’enseignant fait un rappel des connaissances nécessaires : il s’assure que les élèves savent ce qu’est un nom et qu’ils maîtrisent les notions de radical et de terminaison.
Lors de mes premières années d’enseignement, j’avais l’habitude, après avoir expliqué ma matière, de me retourner vers mes élèves et de leur demander si tout le monde avait bien compris et s’il y avait des questions. Bien souvent, il n’y en avait pas. Je passais ensuite à la phase d’exercisation et ce n’était qu’à ce moment-là (au mieux !) que je constatais que certains élèves « pédalaient dans la choucroute »…
En posant des questions ciblées tout au long de la leçon (modelage, pratique guidée, pratique autonome), l'enseignant peut voir en direct si les élèves maîtrisent les notions. Cela lui permet d’ajuster son enseignement : ceux qui répondent correctement peuvent continuer, tandis que ceux qui sont en difficulté peuvent recevoir de l’aide.
Le feedback aide l'enseignant à guider les élèves et à corriger les erreurs de façon constructive. Cela soutient ceux qui ont des difficultés et encourage ceux qui réussissent à aller plus loin.
Ces deux pratiques permettent d’ajuster l’enseignement aux besoins de chaque élève, garantissant que personne ne soit laissé de côté et permettant à ceux qui vont plus vite de continuer à avancer. En réagissant rapidement aux difficultés et en ajustant l’approche, l’enseignant crée un environnement plus équitable où chaque élève peut progresser à son rythme tout en étant bien soutenu.
L’enseignement explicite permet à chaque élève, peu importe son niveau, de bénéficier d’un apprentissage progressif et bien structuré. En montrant clairement les savoirs, en guidant la pratique et en posant un cadre précis, il favorise la compréhension, la motivation et la réussite de tous. Ce n’est pas un enseignement rigide, mais un accompagnement flexible, où chaque élève peut trouver sa place et avancer à son propre rythme.
Justine Henry, professeure de langues anciennes depuis 2013 et formatrice en enseignement explicite
(1) - Justine Henry, “Vers plus d’autonomie grâce à l’enseignement explicite”.
(2) - Rosenshine B. et Stevens R, “Teaching Functions” in : Wittrock M.C. (dir.), Handbook of Research on Teaching", pp. 376-391.
(3) - Clermont Gauthier, Steve Bissonnette, Mario Richard, “Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages”.
(4) - Marie Bocquillon, “Enseignement explicite : pratiques et stratégies”.
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