4 conseils pour différencier une activité en classe

Coline Chapelle
6 mars
5 mn

Différencier, c’est dans la nature même de l’enseignement : nous sommes tous et toutes conscients que, face à nous, chaque élève, chaque classe, chaque année sont différents.

Prenons l’exemple du premier cours de natation. La prof d’EPS va différencier :

  • le contenu du cours (les bons nageurs feront un 400 m en nage libre, les moins bons 100 m en brasse) ;
  • les processus (autonomie, accompagnement personnalisé, exercices de mise en confiance, utilisation d’une planche ou de flotteurs) ;
  • les productions attendues (tout le monde devra être capable de nager 50 m, mais certains dépasseront l’attendu, d’autres auront besoin de plus de temps, et c’est OK !) ;
  • l’environnement d’apprentissage (les novices dans le petit bassin, les aguerris dans la grande profondeur), etc.

 

Mais face à des classes de plus en plus hétérogènes, on peut se sentir bien seul et démuni pour amener chaque élève à atteindre son objectif…. Voici quelques clés pour relever ce grand défi sans laisser les élèves boire la tasse !

La différenciation, c’est quoi ? Pourquoi ? Comment ?

Si l’on s’en tient aux prescrits, différencier, c’est adapter son enseignement (méthodes, rythmes, contenus et évaluations) afin d’amener tous les élèves à l’objectif d’apprentissage visé.

Sauf que, dans la vie d’une classe, cette différenciation prend souvent des allures d’improvisation au cas par cas… 

Cela va du Schtroumpf n°1 qui doit être au premier banc, car il n’a pas reçu sa nouvelle paire de lunettes, au Schtroumpf n°23 qui écrit très, très lentement, en passant par la Schtroumpfette n°14 qui préfère réaliser des cartes mentales sur son iPad plutôt que de prendre note des synthèses.

Eh bien oui, sur une classe de 25 élèves, il y a … 25 différenciations ! 

Pourquoi ? Parce que, comme l’a postulé Burns :

  • Il n’y a pas deux élèves qui progressent à la même vitesse.
  • Il n’y a pas deux élèves qui soient prêts à apprendre en même temps.
  • Il n’y a pas deux élèves qui utilisent les mêmes techniques d’étude.
  • Il n’y a pas deux élèves qui résolvent les problèmes de la même manière.
  • Il n’y a pas deux élèves qui possèdent le même répertoire de comportements.
  • Il n’y a pas deux élèves qui possèdent le même profil d’intérêt.
  • Il n’y a pas deux élèves qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts.
action !

Conseil 1 - Différencier en variant les supports

Passer une heure de cours complète à expliquer, pour la 4ème fois, la différence entre une enchâssée relative et une enchâssée circonstancielle… Réaliser une carte mentale du feu de dieu au tableau, le genre de synthèse qu’on voudrait encadrer tellement on en est fier… Pour s’apercevoir, le plus souvent à l’évaluation (formative, encore heureux) que… Non, trop d’élèves n’ont pas encore fait tilt. 

Ça vous parle ? Et si on essayait un autre canal de communication, pour commencer ?

Pour transmettre les notions clés d’un parcours, il faut bien passer par la case théorie, avec un accueil plus ou moins enthousiaste dans le camp d’en face.

Pour varier un peu, et changer de la lecture de synthèse ou de la construction d’une carte mentale, on peut, au choix :

  • diffuser une petite vidéo (maximum 8 minutes) : Youtube regorge de capsules pédagogiques tout à fait valables, et, pour les plus téméraires, on peut également en créer ;
  • demander à un autre élève, qui a compris, de réexpliquer au groupe ;
  • faire écouter un podcast ;
  • faire dialoguer avec un ChatBot.

 

Idéalement, on vérifie la bonne compréhension avec un feedback immédiat, en faisant par exemple un tour de table où chacun cite une information qu’il a retenue, ou en demandant de créer un visuel reprenant les mots-clés, ou encore en interrogeant avec un quiz interactif, de type Kahoot.

par exemple...
action !

Conseil 2 - Différencier en évaluant

10h30. Les élèves sont en pleine évaluation. Ils doivent réaliser une tâche complexe ou un bilan de fin de chapitre. Il reste 10 minutes de cours quand soudain… Schtroumpf n°8 lève une petite main timide et assène d’une voix tremblotante : "Je n’ai pas compris ce qu’il fallait faire."

Au-delà de la réaction naturelle et immédiate, à savoir "Ben… pourquoi tu ne l’as pas dit plus tôt ?", il est encore temps de réfléchir à une alternative adéquate : une différenciation

  • S’assurer que chacun a du matériel-ressource à disposition :
    • dictionnaire ;
    • fiches outils ;
    • trousseau de notions clés ;
    • référentiels.

 

  • Prévoir des consignes à tiroir, offrant différents chemins d’accès vers l’objectif :
    • Schtroumpf n°5 réalisera directement la consigne principale ;
    • Schtroumpfette n°11 ira d’abord consulter la ressource proposée ;
    • Schtroumpf n°18 réalisera les étapes intermédiaires.
par exemple...

Il est évident que cela sous-entend une souplesse certaine au niveau du timing, puisque l’élève qui passera par toutes les étapes aura besoin de plus de temps que celui qui aura appréhendé immédiatement l’objectif.

Personnellement, pour les travaux de ce type, je commence sur une heure de classe, ce qui me permet de répondre aux questions et d’être sûre qu’ils ont tous bien compris où ils devaient arriver, et je laisse quelques jours pour relire et/ou terminer à domicile ou en séance de remédiations quand c’est possible.

Proposer différents types de productions

En fonction de l’objectif poursuivi, il est aussi possible de laisser aux élèves le choix de leur production. Cela permet à chacun de s’investir dans la tâche à la mesure de ses moyens et de sa créativité. 

Imaginons la production écrite attendue à la fin d’un chapitre sur le texte informatif en 1ère année. Mon objectif est qu’ils présentent un animal menacé, à l’aide d’un support au choix. 

Ils disposent de la liste des espèces menacées, dans laquelle ils choisissent un animal, et des catégories d’informations qui doivent figurer sur leur support (mode de vie, habitat, description physique, etc.). 

Certains élèves vont réaliser un exposé, d’autres un diaporama, d’autres une carte mentale, voire une vidéo. Productions différenciées et objectif atteint !

action !

 

Conseil 3 - Différencier en modulant les activités

J’ai très vite trouvé assez répétitive la méthodologie proposée dans les manuels pour la classe de français : une mise en situation pour découvrir ou rappeler la notion visée, une phase de synthèse et une batterie d’exercices avant d’évaluer l’acquisition de ce point de matière précis. 

Si cela semblait répétitif pour moi, c’était encore plus lassant pour les élèves, d’autant plus que la série d’exercices était très souvent à terminer à domicile. Je vérifiais le lendemain que les exercices étaient réalisés (juste faits, pas toujours réussis… donc, pas toujours compris !) avant une correction commune assez rapide. 

Mais, comme cette étape de mise en pratique reste nécessaire, j’ai cherché d’autres façons de faire. Je me suis tournée vers les ateliers autonomes et la méthodologie proposée par Juline Anquetin Rault (Classe autonome), adaptée à ma pédagogie et à l’âge de mes élèves.

J’ai aussi décidé d’assortir ces points de matière de séries d’exercices de remédiation et de dépassement, mises à disposition des élèves sans être obligatoires.

l'essentiel

Le déroulement d’un atelier autonome dans ma classe 

  1. Rappel des consignes et des règles de l’atelier autonome.
  2. Phase de travail individuel, en silence.
  3. Phase de travail en binômes ou en trios (sans obligation).  Pendant cette phase uniquement, je me tiens à disposition des élèves ou circule dans la classe pour répondre aux éventuelles questions.
  4. Autocorrection dans une autre couleur à l’aide des correctifs mis à disposition.
  5. Validation : je vérifie les feuilles de chaque élève et je dois y trouver les traces de son travail (en bleu ou au crayon) et de sa correction (en vert). Bonus : cela permet à l’élève de garder une trace de son erreur, de s’en souvenir lorsqu’il révisera ce point précis et d’en déculpabiliser.

 

point de vigilance
action !

Conseil 4 - Différencier à l’aide du numérique

Mon école est entrée dans le projet 1:1, un élève : un ordinateur. Mes élèves de 2ème année ont donc l’opportunité de travailler sur un Winbook, et j’ai décidé de refondre tous mes chapitres pour les rendre “numérique-friendly”. 

J’aurais pu me limiter à la diffusion des supports de cours sous format PDF… mais c’eût été beaucoup moins drôle ! Et surtout, cela m’aurait empêchée de saisir cette formidable occasion de différencier, encore plus, mon cours. 

Ce faisant, j’ai découvert (et je remercie au passage ma comparse Mélanie Verdier, la CTP qui accompagne mon école dans le projet, pour toutes les pépites et astuces qu’elle partage) une multitude d’outils numériques qui sont autant de chemins différents pour amener les élèves vers mes objectifs.

Avant de partager quelques outils, une règle essentielle : quand on en gère un, on s’y tient. Le numérique évolue très rapidement et on se retrouve vite perdu devant la quantité de sites ou applications toujours plus intéressants les uns que les autres. Inutile de se compliquer la tâche, ainsi que celle des élèves, en testant un nouvel outil chaque semaine. 

Sans oublier que se familiariser avec chacun devient vite extrêmement chronophage.On liste les outils qui nous sont familiers, on s’y forme, et on s’en contente.

Liste, non exhaustive des sites ou applications numériques que j’utilise en classe

La plupart sont entièrement gratuits, sont gratuits pour les profs après inscription, ou proposent une partie gratuite suffisante.

S’exercer :

  • Kahoot : pour créer des quiz interactifs avec un podium final, peut être utilisé en synchrone ou en asynchrone.
  • Learning Apps : pour créer des questionnaires en ligne, avec des styles de questions très variées. Peut être encapsulé dans un Genially, par exemple.
  • Wooclap : pour créer des quiz interactifs avec la possibilité d’un feedback entre chaque slide. Garde les réponses en mémoire pour revenir dessus plus tard.
  • Wooflash : pour créer des flashcards.

 

Utiliser l’IA :

  • QuizWizard : pour créer des questionnaires.
  • Mizou : pour paramétrer un chatbot.
  • Diffitdiffit : pour créer des supports (texte ou audio) et les accompagne d’un questionnaire
  • AI générative (Chat GPT, Copilot) : carte joker ! Je m’en sers pour développer des consignes, rechercher des contenus, rédiger des appréciations… Il n’y a que le café qu’elle ne fait pas. Et tenter de dominer le monde (enfin, j’espère).

 

Créer et diffuser du contenu :

  • Canva : pour créer des supports visuels (pages, diaporamas).
  • Genially : pour créer des diaporamas interactifs.
  • XMind : pour créer des cartes mentales.
  • Classroom Screen : pour projeter une fenêtre assortie de widgets (capteur de son, timer, image, zone de texte).

 

Évaluer :

  • Forms (compris dans les suites Office 365 et Google) : questionnaire autocorrigeant, s’inclut dans Teams/Classroom et permettant un feedback immédiat.
action !

La différenciation, c’est un passage obligé face à la réalité de nos classes aujourd’hui. Mais ça ne doit pas forcément rimer avec complication

 

Coline Chapelle, professeure de français depuis 2010, référente numérique

 

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