Tu as l’impression de répéter sans cesse la même chose ?
"Étudie à l’avance, sois plus attentif, corrige tes erreurs, relis ta feuille…"
Ces phrases sont essentielles, nous les voulons porteuses de sens. Mais nous constatons pourtant qu’elles ne sont pas efficaces. Nos élèves scolaires n’en ont pas besoin, et nos élèves en difficulté ne les appliquent pas.
Contrairement aux apparences, c’est rarement de la mauvaise volonté, surtout chez les plus jeunes. Pour certains élèves, qui n’ont pas les codes de l’École ou se trouvent déjà dans la spirale de l’échec, ces conseils sont trop éloignés de leur réalité quotidienne et ne font donc pas ou plus sens.
Et si… nous rendions ces précieux conseils plus visuels ? Et si nous travaillions la métacognition avec nos élèves, mais sans les noyer dans le vocabulaire compliqué des sciences cognitives ?
Voici quelques métaphores destinées à imager les mécanismes qui se mettent en place dans le cerveau de nos élèves quand ils apprennent.
Je ne retiens plus les numéros de téléphone… La raison en est simple : je n’ai pas à les répéter. Je les compose une seule fois , puis je les enregistre dans mon smartphone. J’ai bien conscience qu’il en est de même pour les savoirs que je transmets à mes élèves.
Cependant, pendant de longues années, je ne suis pas parvenue à leur faire comprendre pourquoi il était tellement important de revoir encore et encore la même matière. J’avais beau leur parler de mémoire à court terme et de mémoire à long terme, ça ne fonctionnait pas.
J’utilise aujourd’hui une image simple qui semble être efficace : leur mémoire est une forêt sauvage ! La première fois qu’ils vont s’y promener, ils galèrent : ortie, ronces, végétation touffue. Ce n’est pas une promenade de santé, ils s’y perdent. "Et si vous y revenez le lendemain ?". "Ben, M’dame, on a déjà écrasé quelques orties, écarté les ronces et les branches, enjambé les troncs, on s’y repère mieux !"
Voilà, la métaphore filée est en place…
"Et si vous y revenez chaque jour, pendant plusieurs semaines, que se passe-t-il ?
- On a tracé un chemin, la promenade est facile et agréable !"
Voilà, le chemin est tracé, on se rend rapidement du point A au point B. On récupère facilement une information parce qu’on a créé et renforcé les connexions neuronales.
"Et si on n’y revient plus pendant plusieurs mois ?
- Eh bien, quelques ronces, quelques orties auront repris leur quartier, mais le chemin sera toujours caché en dessous… Les connexions neuronales n’auront pas complètement disparu."
Désormais, chaque fois que je constate qu’un élève a oublié une information essentielle, je lui parle de sa forêt et lui rappelle d’y tracer son chemin. C’est une image efficace pour leur faire comprendre que pour maîtriser une langue étrangère par exemple, il est impératif de la pratiquer au quotidien.
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Le projecteur sert à illustrer l’étude et la nécessité de projeter une image mentale de la matière à assimiler. En effet, nous constatons que de nombreux élèves ne savent pas exactement ce que signifie “étudier”. Ils confondent souvent “étude” et “relecture”. Leur esprit doit donc devenir un projecteur, capable de reproduire l’image du cours sur un mur blanc, ou sur une feuille blanche !
Ceci m’amène à la troisième image : le simulateur de vol. L’un des grands écueils de l’étude est l’illusion de maîtrise. De nombreux élèves pensent de bonne foi étudier, alors qu’il ne font que relire. Ils ne se préparent donc jamais à se passer du support. Ils ont l’impression de maîtriser, mais ne s’auto-évaluent pas.
Le fait de comparer cette méthode à celle d’un pilote d’avion qui passerait directement des cours théoriques à la pratique dans un véritable avion peut se révéler très utile.
Ils s’écrieront que c’est extrêmement dangereux et comprendront dès lors l’importance essentielle de l’auto-évaluation : un entraînement sur simulateur avant de se jeter dans le grand bain. En fait, nous, professeurs, ne sommes-nous pas leurs instructeurs de vol ?
Rien ne m’attriste plus que d’entendre l’un de mes élèves dire qu’il est nul, qu’il n’y arrivera jamais. Il est vrai que l’erreur a encore mauvaise presse, parents et profs la confondent souvent avec la faute.
Si la faute, volontaire, est un challenge colossal pour un enseignant car elle est intimement liée à la motivation de l’élève, l’erreur, elle, est un simple levier d’apprentissage et doit être dédiabolisée. Il est normal de commettre des erreurs quand on apprend. Un cerveau qui ne fait pas d’erreur de prédiction et donc pas de mise à jour, n’a rien appris.
Nous sommes tous tombés en apprenant à marcher ! Les neurosciences nous enseignent que le cerveau se transforme tout au long de notre existence. Une connexion neuronale peut-être créée, renforcée ou au contraire affaiblie. C’est ce que l’on appelle la plasticité cérébrale.
En gros, avec méthode, entraînement et volonté, nous pouvons façonner notre cerveau, comme de la plasticine. Aucun de nos élèves n’est donc défaillant ou excellent en math, du moins, il ne l’est pas de façon congénitale et définitive. Un apprentissage se mesure à un instant T.
L’échec n’est donc jamais définitif, mais encore faut-il en persuader nos élèves afin de leur redonner confiance en leurs capacités.
L’image de la marche me semble bien fonctionner. Elle fait souvent rire mes élèves : j’ajoute à mes petites démonstrations force gestes et mimiques. Eh oui, nous le savons : en chaque enseignant se cache un showman !
"Avez-vous réussi à marcher dès votre naissance ?
- Non, nous avons dû apprendre.
- Êtes-vous directement passés de la position couchée à la marche ?
- Nous nous sommes d’abord assis, puis avons rampé, avancé à quatre pattes."
Et hop, seconde métaphore filée. Les élèves savent bien que la marche n’a pas été un apprentissage facile, qu’ils ont fait d’abord quelques pas en tenant la main d’un parent ou en s’appuyant sur un meuble, qu’ils sont tombés, encore et encore, qu’ils ont eu mal et sont même même peut-être blessés.
Je leur assène alors l’argument primordial sous la forme de cette question naïve :
"Pensez-vous qu’un bébé se soit un jour dit qu’il n’y arriverait jamais, que c’était trop difficile et ait décidé de rester définitivement assis ?"
Pas besoin de réponse à cette question rhétorique : il est essentiel de ne pas abandonner, d’essayer de comprendre et de corriger ses erreurs, en ayant en tête son but : marcher un jour avec aisance comme les grands.
"Essayer, échouer, recommencer, analyser ses erreurs est sans doute la seule façon d’apprendre durablement." Philippe Perrenoud, sociologue de l'éducation.
L’erreur est donc bien un levier d’apprentissage, pour peu qu’elle ne soit pas ignorée...
La notation chiffrée ne nous aide pas : nos élèves s’arrêtent trop souvent à leurs points, sans même aller vérifier ce qui n’a pas fonctionné.
J’ai coutume de répéter à mes élèves que la correction d’une évaluation est encore plus importante que l’évaluation elle-même. Ils n’apprennent pas pour une évaluation, mais nous les évaluons pour vérifier qu’ils ont appris.
Une fois que l’élève est conscient qu’il doit répéter son étude, se passer du support, corriger ses évaluations, revoir ce qui n’a pas fonctionné et tout ça en gardant sa motivation intacte, il reste encore un obstacle : la prétendue erreur de distraction.
Bien entendu, la distraction est problématique, mais ces mêmes types d’ erreurs répétées que nous relevons dans les copies de nos élèves sont davantage dues aux heuristiques qu’à la distraction au moment de l’évaluation.
Les heuristiques sont des raccourcis mentaux qui permettent de réduire la charge cognitive et d'aller plus vite. Selon le contexte, elles peuvent être efficaces ou constituer des biais cognitifs.
Avec les plus grands, nous pouvons expliquer la théorie des trois systèmes cognitifs de Houdé.
Selon lui, il existe 3 systèmes cognitifs :
Utilisons une métaphore : le système 1 sera le lièvre, qui est rapide, mais perd la course. Le système 2 sera la tortue qui prend son temps, mais remporte la victoire. Cette référence à la célèbre fable nous permettra d’inciter nos élèves à prendre le temps de se relire, de vérifier certaines informations et d’utiliser leurs fiches outils afin d’éviter les erreurs d’automatismes.
Je l’évoquais plus haut, la distraction est un obstacle à l’apprentissage. Nous devons souvent rappeler à l’ordre nos élèves : “c’est ici que ça se passe, arrête de bavarder, ne te retourne pas.” Ces injonctions font partie de notre quotidien d’enseignant et nous les répétons inlassablement.
Dans ma vie privée, je suis assez distraite, il m’arrive par exemple régulièrement d’arriver dans une pièce sans me rappeler de ce que je suis venue y faire, parce que sur le trajet mon esprit a été accaparé par de nombreuses petites distractions : un objet qui traîne et que je ramasse, le chat qui miaule et que je nourris, une notification qui sonne sur mon téléphone et que je peux pas m’empêcher de consulter.
Être attentif en classe, ça n’est pas inné ! Étymologiquement, “distrait” signifie “tiré en sens divers”... Nos élèves sont en effet sans cesse tiraillés entre divers stimuli et passent d’une chose à l’autre sans s'en rendre compte.
Ces stimuli constituent des distracteurs perturbant leur attention. Ils peuvent être de deux types :
Pour rester concentrés, nos élèves doivent chasser ses distracteurs, comme ils chasseraient des moustiques. Pour combattre la distraction, ils doivent donc prendre conscience des interférences qui s’interposent entre eux et leur objectif, à savoir écouter et participer au cours.
Ils doivent dès lors refuser d’accorder la moindre attention à quoi que ce soit d’autre. C’est presque de la pleine conscience.
Ce n’est pas facile pour un adulte, mais alors pour un enfant ou un adolescent soumis à de multiples tentations…. Voilà pourquoi nous multiplions les relances attentionnelles : nous aidons nos élèves à chasser leurs moustiques.
Comprendre le rôle et le fonctionnement de leur attention peut aider nos élèves à la canaliser. Quand on doit être attentif, de nombreuses informations arrivent à notre cerveau. S'il les traitait toutes, il serait très vite à saturation. Le rôle de l'attention est de sélectionner.
L'attention peut être de trois types :
Voilà le danger… En mode conscient, le cerveau est monotâche. L’attention partagée ne fonctionne que si l’une des deux tâches est automatisée.
Donc, faire du vélo en discutant avec son voisin, c'est possible. Comprendre un nouveau théorème en bavardant, ça ne l’est pas…
Verbaliser le fait que l’attention fonctionne comme le faisceau d’une lampe de poche permet à un élève de comprendre par exemple qu’en regardant par la fenêtre, son “spot” n’est pas dirigé vers l’enseignant, la feuille ou le tableau. Par conséquent, son cerveau n’a pas assimilé les informations qui s’y trouvaient.
Pour entraîner nos élèves à être attentifs, il peut être utile de leur expliquer le PIM (issu des travaux de Lachaux) : la perception, l’intention, la manière d’agir, et d’en donner des exemples concrets.
Cela peut paraître évident, mais je me rends compte que très souvent, je dis à mes élèves d’être attentifs, sans leur préciser à quoi, comment ou pourquoi...
Les limites de l’attention peuvent effrayer nos élèves et les décourager au point que certains n’essaient même pas. Une dernière image permet de les rassurer : la poutre.
Être attentif, ce n’est pas être concentré tout le temps, c’est une question d’équilibre, un peu comme si le cours, l’étude ou le travail étaient des poutres de gymnastiques qu’ils devaient traverser. Ils doivent faire attention à ne pas être déséquilibrés, pour ne pas tomber.
C’est l’équilibre attentionnel. Il est plus ou moins long, plus ou moins difficile, plus ou moins important, selon la tâche à accomplir. Toutes les tâches n’ont pas le même coût cognitif. Déterminer la longueur, la complexité et l’importance d’une tâche leur permettra de préparer leur attention afin qu’elle soit équilibrée et adaptée.
L’école a trop souvent tendance à attendre des élèves des codes, des méthodes, des savoirs implicites que certains ne possèdent pas. Les neurosciences nous montrent qu’apprendre à apprendre est essentiel. Mais nous manquons de temps pour travailler la métacognition avec nos classes : nous courons souvent derrière nos programmes, chaque heure de cours devenant une course contre la montre.
Sans être trop chronophage, l’emploi de petites images simples, telles que la forêt, la poutre ou la lampe de poche, permettra de marquer l’esprit de nos élèves en évitant de les noyer dans le vocabulaire très spécifique des sciences cognitives.
Céline Degueldre, professeure de latin dans le secondaire inférieur et supérieur depuis 2005, membre de la cellule Cogitaction de mon école depuis 2020
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