Les évaluations arrivent dans vos mains, prêtes à être corrigées. Mais au fur et à mesure de votre vérification, vous sentez que votre moral baisse car vous constatez que les notions ne sont pas acquises, les leçons ne sont pas apprises ; vous venez même à vous demander si les élèves étaient bien en classe lorsque vous avez mis ces séances en place.
Tel est le constat que j’ai fait lorsque je me suis retrouvée devant une évaluation « classique » dont les résultats étaient catastrophiques : ça n'aidait mes élèves ni à progresser ni à rester motivés. Intervenante en Soins-Études, j'ai dû imaginer d'autres manières de travailler (en m'inspirant par exemple de la pédagogie coopérative) qui ont aussi fait évoluer mes pratiques au secondaire, où j'enseigne les sciences économiques et sociales depuis 25 ans. J’ai alors mis en place une évaluation en groupe avec mes classes.
33 élèves + une évaluation = prof désemparée devant les copies. Je veux comprendre le sens de cette évaluation pour mes élèves et le sens de cette correction pour moi. Ce désarroi devant des copies aussi faibles, je décide de le leur partager afin d'en discuter avec eux. Après quelques minutes de silence, les langues se délient :
« J'étais trop stressé… »
« J'ai fait moins bien que d'habitude. »
« Je n'ai pas révisé car j'en ai marre d'avoir des mauvaises notes ! »
« Je ne suis plus motivée. »
Ma proposition étonne les élèves et divise leurs avis : certains sont partants mais d'autres s’inquiètent du fait que dans le groupe, des élèves pourraient « profiter » des autres.
Leur proposer une évaluation coopérative est une idée qui m’est venue dans la discussion. Je me mets à chercher des textes sur les évaluations, la coopération et le travail de groupe. Les recherches sur le travail de groupe ont toujours existé, mais pas sur les évaluations en groupe. Concernant la motivation des élèves, je prends connaissance de la notion de motivation autodéterminée ou motivation intrinsèque qui est fondée sur le besoin de sentir compétent par rapport à son environnement, le besoin de proximité sociale (d'être avec d'autres) et le besoin d'autonomie. Besoins auxquels correspondait parfaitement selon moi la pratique de l'évaluation coopérative.
La copie collective est notée et chacun après rend une copie individuelle avec la question sur 5 points à ajouter à la note.
Pour les élèves, il était intéressant de lire ce qu'ils ont écrit dans leur bilan individuel, leurs remarques :
« J'ai appris des choses que je n'avais pas comprises. »
« On est moins stressé car on sait qu'on peut compter sur les autres. »
« Le devoir en classe fait moins peur et donc on le prépare mieux. »
« J'étais plus concentrée que d'habitude, je me suis rendu compte que je savais aussi des choses. »
« C'est pas facile de convaincre les autres et parfois ça a chauffé. »
Sur les 33 élèves, seuls 2 n'étaient pas satisfaits car cette évaluation coopérative avait bousculé leur façon habituelle de travailler.
Cette évaluation est apparue comme un défi pour eux : chacun savait que les deux autres allaient compter sur lui, donc il leur fallait réviser davantage. Les résultats - bien meilleurs - ont permis aux élèves de se remotiver et de repasser aux évaluations individuelles par la suite de façon « moins douloureuse ».
Pour les plus faibles, cette évaluation coopérative leur a permis de prendre conscience qu'ils étaient capables de réussir. Ils ne voulaient pas se retrouver dans la position « C'est à cause de moi que... », « Les autres vont me juger voire m'engueuler si je ne révise ou travaille pas bien. »…
En transformant le rapport à l'évaluation, j’ai eu le sentiment d'avoir retrouvé du sens, que l'évaluation n'était pas seulement une obligation pour l'enseignant. Je les avais réellement aidés pendant cette expérience et j'avais fait mon travail : les faire progresser. S'adapter aux élèves en difficulté permet également aux meilleurs de développer de nouvelles compétences (savoir expliquer clairement une notion à l'élève en difficulté / apprendre à travailler à plusieurs en s'écoutant / convaincre les autres…).
En discutant avec mes collègues, j’ai remarqué leur intérêt mais également leurs réticences (« Que vont penser les parents ? Je n'ai pas l'habitude donc je ne vais pas m'y lancer… »).
Du côté des parents, je n'ai eu que des remarques positives : à partir du moment où j'ai discuté avec les élèves et où ils ont pu s'exprimer, cela a permis de recréer un lien de confiance avec eux.
La pépite d'élève qui m’a apporté de la satisfaction :
« J'ai appris pendant le devoir au lieu de tricher ! »
Marie-Laure, professeure de sciences économiques et sociales au secondaire pendant 25 ans et coach scolaire
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